Lettre à ma chère anxiété sociale

vendredi 17 juillet 2020

Cette lettre est pour toi, pour moi, qui avons vécu de sombres jours à beaucoup trop réfléchir pour des choses qui semblent si futiles.


Chère Anxiété sociale,

Tu es l'une de mes plus vieilles connaissances et malgré cela, je ne t'ai jamais aimée. Mais qui es-tu ? D'où viens-tu ? Tu te caches sous différents noms, un coup tu es la phobie sociale et d'autres fois on te nomme timidité excessive. Mais peu importe le nom que tu portes, tu es tout autant toxique. Je préfère t'appeler Anxiété sociale, parce que c'est l'effet que tu me fais, tu me rends anxieuse. Tu fais battre mon cœur jusqu'à l'implosion. Tu me pourris la vie. Tu crées une angoisse irrationnelle à chaque interaction sociale.

Tu ne me lâche jamais lors des grands rassemblements, les soirées et les rencontres avec des inconnus. Tu me pousses à constamment avoir quelque chose dans les mains, à constamment regarder mon téléphone pour avoir l'air de faire quelque chose, à frénétiquement secouer des jambes pour évacuer le stress ou à me réfugier dans les toilettes parce que tu me fais paniquer.

Tout ce que tu fais, c'est m'énumérer toutes ces choses qui pourraient mal tourner, toutes les situations embarrassantes et honteuses que je pourrais rencontrer. Alors tu me conseilles sans cesse de ne rien faire. De ne pas me lier d'amitié avec un tel parce qu'il risquerait de me trahir. De ne pas parler avec un autre parce qu'il découvrirait à quel point je suis ennuyeuse et inintéressante. De ne pas poser une question parce qu'on ne me répondrait pas, tellement elle est bête et que je dérangerais quelqu'un pour rien. De ne pas lever la main en classe parce qu'on n'est jamais à l'abris d'une mauvaise réponse et l'on risquerait de se moquer de moi. Et Ô grand malheur, tu m'as répété des centaines et des milliers de fois qu'il était préférable de s'enfoncer six pieds sous terre que de se ridiculiser devant tout le monde. Rien que de penser à l'idée de lever la main est devenu stressant à cause de toi. Tu m'as fais me sentir minable et bonne à rien, alors je suis restée silencieuse.

Le silence était bien mieux que le jugement des autres.

Par ta faute, je me suis un nombre incalculable de fois perdue parce que je n'osais pas demander mon chemin, j'ai un nombre incalculable de fois accepté de faire des choix qui ne me convenait pas par peur de m'imposer, j'ai un nombre incalculable de fois eu des regrets de ne pas avoir osé faire quelque chose que j'avais vraiment envie de faire. Et je t'en ai voulu pour ça. Tu m'as rendue mentalement épuisé. Tu m'as fait me sentir pitoyable.
Tu m'as répété et fait intérioriser un mantra qui est rapidement devenu mon mode de vie.
"C'est beaucoup plus sûr de ne rien dire et ne rien faire."

J'ai fini par m'en prendre à moi-même. Je me suis dis que tu étais moi et que j'étais toi. C'était ton objectif après tout non ? Mais ce n'était qu'une illusion. Tu n'es pas moi. Tu t'es immiscée dans mon petit cerveau et tu n'as plus jamais voulu le quitter. Pendant de trop longues années, je t'ai écoutée, je t'ai laissée me dicter ma conduite, je t'ai laissé gagner. Jusqu'au jour où je me suis retrouvée au pied du mur.

Aux antipodes de chez moi, une nouvelle peur a pointé le bout de son nez, la peur d'être seule. Vous êtes copines toutes les deux pas vrai ? Et bien figure toi qu'elle t'as volée un peu d'espace dans ma vie, t'empêchant d'avoir un total contrôle sur moi. Un mal pour un bien. Depuis ce jour, je n'ai cessé de voir une éclaircie. 

Même si tout n'est pas rose. Même s'il y a des hauts et beaucoup de bas. Même si j'ai parfois eu l'impression d'avoir touché le fond, ça va mieux. Et même si tu sais toujours faire ton entrée dans les conventions, les groupes de plus de cinq personnes, tu ne gagnes plus de terrain. Tu régresses même et ça fait du bien. Maintenant, je sais. Je sais que je n'ai jamais été toi et que nous n'avons rien en commun. Je sais que tout se passe bien lorsque je ne t'écoute pas. Je sais aussi que tu es toujours là dans un coin de ma tête mais, sache que je suis fière du chemin que j'ai parcouru jusqu'à aujourd'hui. Je suis fière d'avoir tenté, d'avoir essayé, d'avoir osé. Je suis fière de ce que j'ai accompli mais je suis aussi reconnaissante envers ces personnes qui ont pris le temps de me connaître malgré mes silences et mes absences et qui ne m'ont depuis jamais lâchée. 

J'aimerais sincèrement qu'un jour, je puisse te rayer définitivement de ma vie. 
Et j'espère que chaque personne que tu côtoies trouvera l'aide dont il a besoin pour que tu sortes de leur vie.

Avec toute ma volonté, 

Joelle




8 commentaires:

  1. Merci pour ce partage. Je n'aurai pas mieux formuler mes sensations. C'est à cause de ça que je n'ai, encore, jamais réellement pu faire de rencontre entre bookstagrameuse/blogueuse, je m'arrangeais toujours pour avoir une excuse potable... J'espère qu'un jour, j'y arriverai. Pour l'instant, ton propre parcours me donne tu courage :)

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  2. Je me suis tellement retrouvée dans ce texte... Merci d'avoir mis des mots dessus ��

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  3. Super article ! Certains point m'ont vraiment parlé. Moi aussi j'ai peur d'être toute seule. J'ai peur qu'on m'abandonne parce qu'au final, je ne suis pas assez intéressante. A l'école, moi aussi je ne participer pas parce que j'avais peur de dire une bêtise et que toute la classe se moque de moi.
    Aujourd'hui, je suis beaucoup moins timide et je suis beaucoup moins anxieuse face à de nouvelles personnes même s'il y a encore pas mal de choses que je n'ose pas faire.

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  4. Très bel article, il y a des choses que je retrouve chez moi, parce que je suis introvertie et que je me pose des questions sur deux trucs en ce qui me concerne. Je compatis totalement et t'envoie de bonnes ondes.

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  5. Quelle lettre si bien écrite !! *Câliiin* C'est vraiment pas facile de gérer des pensées négatives qui nous font douter de nous-même, des autres, de notre place,... Petit à petit, avec notre force et en s'entourant de belles personnes, on arrive à plus ou moins dompter cette anxiété, en espérant, comme tu le dis si bien, qu'on arrive un jour à lui fermer définitivement la porte au nez !

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  6. Très bel article, je me retrouve énormément dans tes mots !

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  7. Bon courage ! C'est un très bel article, émouvant et sincère

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